La salade russe fut un must de la cantine pendant de nombreuses années, tout en étant présente systématiquement chez le charcutier-traiteur pour les repas de midi sur le pouce. Malheureusement mal faite, souvent constituée de légumes en boîtes amalgamés à une mayonnaise industrielle, je l’ai boudée longtemps, jusqu’à ce que je fasse moi-même ma salade russe à la maison, comme ici, avec du saumon et une pointe de caviar. Retour aux sources de la salade russe ou salade Olivier.
Qu’est-ce que la salade russe ou salade Olivier ?
La salade russe est une salade de chef, qui après un vol de recette et une succession de pénuries et de nationalismes, s’est démocratisée et vulgarisée. A l’origine, elle est la création en 1860 de Lucien Olivier, un chef russe d’origine franco-belge, propriétaire à Moscou du restaurant L’Ermitage. Mort à 45 ans, il n’en a jamais révélé les secrets, même si un de ses cuisiniers seconds en vola l’inspiration pour aller la proposer dans un autre restaurant, sans en atteindre cependant la quintessence et l’excellence selon les convives des deux tables.
De la salade de gibier à la salade Olivier.
La composition exacte de la salade Olivier est donc restée inconnue. On sait qu’elle se composait d’ingrédients rares comme du caviar de Russie et des queues d’écrevisses. Lucien Olivier ajoutait de la gélinotte (petite volaille de sous-bois), de la langue de veau, des câpres, des concombres, des œufs durs, le tout mêlé à une sauce mayonnaise à l’huile d’olive provençale et aux épices. C’était bien évidemment un met de luxe.
La salade Olivier ne s’est pas appelée Salade Olivier avant 1917. A L’Ermitage, elle s’est d’abord appelée “Майонез из дичи” ou “mayonnaise iz ditchi” soit “salade de gibier” à cause de la gélinotte. La version dérobée par le sous-chef Ivanov s’appelait la “столичный” ou “stolytchnyi” soit “salade métropolitain“. Elle ne devint Salade Olivier qu’à partir de la Révolution Russe puis l’ère soviétique, devenant un emblème de la cuisine russe et s’appauvrissant, par là-même, des ingrédients de luxe ou même de saison, à cause des pénuries et devenant une recette “populaire” aussi bien au sens d’appréciée que digne du pouvoir du peuple.
Quelle est la composition de la salade russe ? Quelle est la différence avec la macédoine ?
Dans sa version populaire, elle se compose alors uniquement de pommes de terre, de petits pois en conserve, de cornichons, de saucisson et d’œufs durs. Elle est assaisonnée de mayonnaise. Cette salade est dégustée traditionnellement en hiver, à l’occasion des fêtes de fin d’année.
Comme on le voit, cette salade Olivier est assez pauvre en légumes. Et elle ne s’appelle toujours pas la salade russe. Ce n’est qu’à l’étranger qu’elle va prendre ce nom tout en s’enrichissant des ingrédients régionaux. Elle devient Salade Piémontaise en Italie (carottes, petits pois, haricots et pommes de terre), Salade Malmédy en Belgique (betteraves, pommes, harengs), ou Salade Russe en Espagne (pommes de terre, carottes, thon en conserve à l’huile d’olive, œufs, petits pois, poivron rouge cuite, olives vertes), en Angleterre (pommes de terre, carottes, pickles, petits pois, jambon, œufs) ou en France ( pommes de terre, cornichons, petits pois, carottes, oignons, œufs, volaille).
Peu à peu, la salade russe à la française va se confondre avec la macédoine de légumes, qui est un mélange de légumes coupés en cubes, servi chaud ou froid, alors assaisonné à la mayonnaise. On y retrouve les pommes de terre, les carottes, les petits pois de la salade russe mais aussi des navets, des haricots verts, etc.
Ma salade russe à la betterave, au saumon fumé et au caviar.
Ma salade russe est inspirée d’une recette de salade russe donnée par le Dictionnaire de l’Académie des Gastronomes, paru en 1962 et décrivant la salade russe avec des ingrédients plus russes que la salade Olivier ordinaire. Elle se compose notamment de betteraves, de céleri rave et de pommes de terre, auxquels s’ajoutent des ogourcis (des concombres confits au sel) et des anchois. La mayonnaise est toujours là.
J’ai donc composé ma salade russe de pommes de terre, de carottes, de céleri branche, de mayonnaise, reprenant en cela la recette de la salade Olivier, et j’ai ajouté des betteraves Chioggia et jaune, des cornichons Malossol en guise de concombres au sel. Pour reprendre l’esprit de la salade Olivier, j’ai ajouté deux éléments de luxe : le cœur de saumon fumé et le caviar.
Quel vin boire avec la salade russe ?
De la fraîcheur et de la texture, c’est à cela que me faisait penser cette salade. J’ai donc opté pour un Muscadet Sèvre et Maine de Hugues Brochard, un Clisson Vieilles Vignes charnu. Le Melon de Bourgogne de ce vin a poussé sur le terroir de Clisson, sol fait d’argile et de galets (graves), donnant au vin une minéralité et du gras. La bouche est équilibrée sur des notes d’agrumes confites, de prune jaunes, de brioche et de pain grillé. Il fallait bien toute cette complexité pour s’accorder avec le méli-mélo que constitue la salade russe.
Hugues Brochard est la quatrième génération à cultiver ses vignes à Maisdon sur Sèvre, sur les coteaux exposés sud de la Sèvre et de la Maine. Ses vignes sur situent sur l’appellation récente de Clisson, une des trois appellation communales reconnues en 2011 par l’INOA avec Gorges et Le Pallet. Il faut dire que le cru communal de Clisson est un terroir à part entière, situé en forme de croissant tout le long contours méridionaux du Massif Armoricain. Sableux et caillouteux, les sols donnent beaucoup de concentration au vin, concentration encouragée par l’âge des vignes de Hugues Brochard, de 40 ans minimum.
Le Clisson Vieilles Vignes de Hugues Brochard est un vin que je servirai volontiers avec un Turbot en croûte de sel, des coquilles Saint-Jacques juste poêlées au beurre ou un très bon Beaufort.
Salade russe au saumon fumé et au caviar ou salade Olivier
Ustensiles
- Planche à découper
- Couteau d'office
- Économe
- Petite casserole
- Grand saladier
- Fouet
- Emporte-pièces rond
Ingrédients
- 400 g pomme de terre (s)
- 150 g betteraves chioggia
- 150 g betterave jaune
- 150 g carotte
- 100 g panais
- 1 branche céleri-branche
- 2 cornichons malossol
- 1 coeur saumon fumé environ 150-200 g
- 10 g caviar français type Baeri
- 6 c. à soupe mayonnaise
- 1 brin aneth
- 1 brin persil + 1 brin pour décoration
- 5 tours de moulin poivre 5 baies
Instructions
- Eplucher et couper les pommes de terre, les betteraves, le panais et les carottes en cubes de 5 à 7 mm.
- Cuire les pommes de terre dans l'eau salée, départ à froid, pendant 10 minutes à partir de l'ébullition. Les laisser refroidir dans l'eau.
- Cuire la betterave Chioggia à la vapeur pour qu'elle garde sa couleur. Cela prend entre 10 et 15 minutes selon la grosseur des cubes. Egoutter et laisser refroidir.
- Cuire les carottes, le panais et la betterave jaune dans l'eau salée ensemble, les égoutter. Selon la grosseur des cubes, cela prend entre 10 et 15 minutes. Egoutter et laisser refroidir.
- Eplucher et couper le céleri en fines rondelles. Couper les cornichons en petits cubes de 2 mm.
- Couper le saumon en cubes de 5 à 7 mm.
- Mélanger les légumes, le céleri, le saumon (sauf 12 cubes pour la décoration), les cornichons, l'aneth et le persil ciselés et la mayonnaise. Poivrer.
- Sur chaque assiette, mouler à l'emporte-pièce un cylindre de salade russe. Déposer dessus 3 cubes de saumon, un brin d'aneth et une pointe de caviar. Eventuellement décorer d'un 1/2 cranberry fraîche.