Le Reblochon est un délicieux fromage crémeux qui a à la fois de la douceur et du caractère. Né dans les alpages savoyards, ce fromage se présente sous l’aspect d’une petite roue à la fois blonde et blanche car sa croûte. Il bénéficie d’une appellation AOC depuis 1958 et est protégé par une AOP depuis 1996. Il s’agit toujours d’un fromage au lait de vache et fabriqué à partir de lait cru.
Parce que la célèbre fromagerie Pochat & Fils est centenaire, suivons ensemble les traces du Reblochon de Haute-Savoie sur ses terres et ses alpages.
Le Reblochon
Le reblochon est un fromage au lait de vache fabriqué à partir de lait cru. On en retrouve la trace depuis le XVI ème siècle dans les alpages mais c’est à partir de 1958 qu’il bénéficie d’une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) qui en définit le cahier des charges.
Pourquoi le Reblochon s’appelle ainsi ?
Le fromage Reblochon provient du verbe reblochonner qui signifie repincer en savoyard. En fait il s’agit de refaire une traite aux vaches, juste après une première traite. Cette habitude et ce nom viendraient d’une fraude à l’impôt du seigneur de la localité. Les seigneurs d’autrefois envoyaient leur régisseur récolter une grosse partie du lait chez les fermiers de leurs terres. Pour échapper à cet impôt, les paysans faisaient alors une première traite pas tout à fait complète pour honorer leur paiement au seigneur, et une fois le régisseur parti, retrayaient leurs vaches pour leur propre consommation. La quantité de ce lait trait une seconde fois n’était pas suffisant pour réaliser un gros fromage, l’Abondance ou le Beaufort en l’occurrence, les spécialités de la Haute-Savoie qui demande 10 litres de lait . On en faisait donc un petit qui prit le nom de Reblochon. Il faut savoir qu’une vache donne entre 10 et 13 litres de lait par traite, deux fois par jour. Si on la traite aux trois-quarts, il reste entre 3 et 5 litres de lait : de quoi faire un Reblochon qui nécessite 4.5 litres de lait par fromage.
La différence entre le reblochon fermier et le reblochon laitier.
- Le Reblochon Fermier : Le Reblochon est dit “Fermier” quand il s’agit de Reblochons produits dans les fermes, avec le lait issu de la traite du troupeau d’un seul agriculteur, le jour-même de la traite. C’est la définition de tout fromage fermier : le lait d’une traite, un fromage produit sur place, à la ferme où se trouvent les vaches. Sinon, on parle de fromage laitier, produit dans une laiterie.
Le Reblochon fermier est donc fabriqué deux fois par jour, à la traite du matin et à la traite du soir. Fermier ou laitier, cela fait la différence pour un Reblochon car la particularité du Reblochon fermier, c’est que le lait ne doit pas refroidir et il n’est donc pas réchauffé. On maintient la température du pie de la vache (33-35°C) pour ensemencer le lait.
A l’achat, en plus de l’appellation “fermier”, vous reconnaîtrez le fromage Reblochon fermier grâce à sa petite pastille de caséine verte (des protéines de lait colorés naturellement) qui affleurera sous le voile blanc qui habille la croûte du fromage.
- Le Reblochon laitier : Au contraire, le Reblochon est dit “laitier” ou “fruitier” quand il est fabriqué à partir de laits mélangés de plusieurs agriculteurs dans une laiterie. Les laiteries en Savoir et Haute-Savoie sont appelées des fruitières. L’entreprise Pochat & fils par exemple, fait sa tournée tôt le matin, dans chaque ferme, pour récolter le lait de la veille au soir et du matin, laits qui se mélangent dans la citerne réfrigérée du camion. C’est une fois arrivé à la fromagerie que le lait est réchauffé et transformé en fromage, une fois par jour. Sous sa petite robe blanche vaporeuse, c’est une pastille rouge de caséine qu’arbore alors le Reblochon laitier.
La fabrication du Reblochon
C’est en visitant la ferme de Bruno Agnellet, que nous apprenons le processus de fabrication du Reblochon. Nous sommes au pied de la chaîne des Aravis, cette succession de pointes, de roches et de têtes qui surplombent La Cluzaz et le Grand Bornand. Les paysages sont grandioses, la ferme a 300 ans.
Bruno est l’un des 14 producteurs de La Cluzaz. Ses vaches pâturent du 10 mai eu 10 novembre, déplacées 2 fois par jour pour une herbe optimale, et broutent entièrement la montagne 3 fois de suite pendant une saison de transhumance ! Pendant ce temps on récolte les foins en vallée, et on les conserve pour la nourriture des bêtes en hiver.
Un magnifique lait de montagne pour un délicieux fromage.
Car pour fabriquer un Reblochon AOP de Savoie, il faut du très bon lait. On utilise le lait provenant des races de vache Montbéliarde, Abondance ou Tarine. Ce sont de belles vaches adaptées à la montagne qui arpentent les prairies de la Haute Savoie et du Val d’Arly en Savoie, le territoire de l’aire d’appellation du Reblochon. L’objectif est de se nourrir d’herbe à la belle saison car elles doivent pâturer au minimum 150 jours par an pour que le lait soit accepté à la fabrication du Reblochon AOP. L’hiver, elles mangent le foin récolté obligatoirement sur l’aire d’appellation, nourriture complétée de céréales san OGM et non fermentées (ce qu’on appelle l’ensilage, les herbes enrubannées dans des films plastiques fermentant).
Un lait non chauffé, non pasteurisé pour le Reblochon.
Il faut 4,5 litres de lait pour produire un seul Reblochon. Le lait est maintenu à la température de 33 à 35 degrés celsius, c’est-à-dire à la température du pie de la vache. Il n’est ni chauffé ni encore moins pasteurisé avant d’être ensemencé de présure. Le lait caille en moins d’une heure dans une bassine de cuivre qui a l’avantage de bien conduire la chaleur de façon uniforme et de détruire les éventuels bactéries pathogènes, notamment les staphylocoques qui auraient eu la mauvaise idée de vouloir polluer le lait. C’est une des grandes différences entre le Reblochon fermier et le Reblochon laitier ou fruitier : le lait n’est ni refroidi ni réchauffé dans le cas du fromage fermier alors qu’en fromagerie non fermière, le lait a été refroidi pendant la collecte et il est réchauffé pour l’emprésurage.
La lente ascension du Reblochon pendant son séchage.
Le caillé est ensuite découpé à l’aide d’un tranche caillé qui ressemble à un grand râteau, puis moulé directement dans des petits moules cylindriques. Il est assez rapidement retourné puis pressé et égoutté pendant environ douze heures. Il est ensuite trempé deux heures dans une saumure saturée à 33 % (un mélange de 33 kg de sel pour 100 litres d’eau). Enfin, il est posé sur une planche d’épicéa dans un séchoir à 15-16 °C et séchera pendant cinq jours, retourné chaque jour.
Les fromages très frais sont en bas de l’étagère et ils entament une ascension chaque jour, comme de valeureux montagnards. En fait, le fromager monte les planches d’un étage chaque jour. Et chaque jour, le fromager lave et retourne le fromage. En dernière étape, le fromage est lavé au carotène, ce qui lui donne cette coloration safranée sous la voile blanc, et sèche une journée de plus. Il peut ensuite être affiné.
Geotrichum Candidum, la coquetterie du Reblochon affiné.
Enfin, le fromage entre en cave. Dans une atmosphère à un taux d’humidité de 100% et à une température de 12° C, le Reblochon va lentement maturer pendant 3 semaines (18 jours minimum). C’est à cette étape que le petit voile blanc se forme, il est formé par la levure de geotrichum candidum, un sorte de champignon-levure qui protège le fromage des mauvaises moisissures et aide au développement des flaveurs du fromage. Une douce caresse qui rend les Reblochons presque blancs.
J’ai visité les caves de Pochat & Fils qui pousse l’affinage des Reblochons fermiers à 25 jours, une fois qu’il les a reçus dans ses propres caves, avant de se charger de les emballer et de les expédier à ses clients.
La Maison Pochat, 100 ans de tradition
C’est dans les très jolis villages du Grand Bornand et de La Cluzaz, que Pochat & fils vit le jour en 1919. Edouard Pochat, fils d’agriculteurs et ancien fromager, devient négociant en Beaufort et Reblochon et développe son activité avec ses 2 fils, Jacques et Paul. L’entreprise s’installera en 1983 à Annecy-le-Vieux et sera rachetée en 2005 par Lactalis, mais Pochat & Fils a gardé sa tradition savoyarde et son ancrage local dans les vallées de Thônes et d’Aravis.
255 producteurs ou Gaec de Haute Savoie fournissent le lait et les fromages fermiers pour la marque Pochat & fils, et 6 sites fabriquent et affinent de l’Emmental, de l’Abondance, de la Tomme, de la Raclette, du Beaumont, du Beaufort et du Reblochon. Parmi ces différents sites de production, Annecy-le-Vieux affine le Reblochon fermier venu des producteurs de la région, ainsi que le Reblochon laitier AOP de la fromagerie d’Etaux. La fromagerie de Samoëns, quant à elle, fabrique et affine le Reblochon d’une marque très locale : le Reblochon AOP Les Hauts de Savoie, à la saveur particulière.
Les caves d’Annecy-le-Vieux
Descendre dans les caves d’Annecy, c’est pénétrer dans le domaine d’Alain, Maître affineur de Reblochon et de Beaufort depuis près de 40 ans !!! C’est d’ailleurs dans la cave des Beaufort qu’on le rencontre, accompagné de son frère Michel, occupés à frotter et retourner les meules de 45 kg à la main. Ils apportent un tel soin et une telle passion pour ces 9000 meules qui attendent patiemment qu’on les sale pendant 1 mois et 1/2 et qu’on les frotte et tourne ensuite entre 12 et 24 mois.
Dans les caves d’Annecy, les Reblochon fermiers arrivent à l’âge de 18 jours, et sont ensuite affinés 7 jours. On n’y affine que les Reblochon fermiers, les Reblochon laitiers ou fruitiers sont affinés sur leur lieux de production, soit Samoëns et Etaux.
Mes recettes à base de Reblochon.
La fête des 100 an de Pochat & fils au Grand-Bornand.
On ne pouvait pas ne pas célébrer Pochat & Fils au Grand Bornand : 2000 habitants, 2000 vaches (en peinture), 200 chalets de plus de 200 ans et LE pays du Reblochon.
Avoir 100 ans en Pays de Savoie
Pour fêter ses 100 ans, Pochat a invité des centenaires… En partenariat avec l’agence Les Cyclistes et la photographe Henrike Stahl, Pochat & fils a créé une exposition itinérante de photos des centenaires de la région des Aravis. Exposée dans les rues du village, j’ai pu admiré le travail sensible de Henrike Stahl. Accompagnée de Catherine Claude qui recueillait leur histoire, Henrike a un regard à la fois tendre et vivant: la personnalité de ces personnes, qui ont traversé 2 siècles, transparaît sur chacun des clichés, avec leur marotte comme cette postière qui continue de pédaler au pied de son fauteuil, faute de pouvoir monter sur un vélo, ou de ce curé philosophe qui dédouane Dieu de le laisser vivre car il l’affirme, il ne se laissera pas mourir! Félicien, le centenaire du Grand Bornand, s’affiche dans les rues de son village avec 14 autres centenaires, pour une fois hors les murs alors qu’ils y sont si souvent cantonnés à cause de leur âge.
Si tu es dans la région, tu peux admirer ce beau travail:
- Du 2 au 17 septembre Saint-Julien-en-Genevois (74)
- Du 18 au 29 septembre Eteaux (74)
- Du 7 au 20 octobre Chambéry (73)
Le Grand Bornand, la tradition vivante
Se balader au Grand Bornant, c’est visiter un village vivant qui a préservé et dynamisé sa tradition.
Le Grand Bornand est en effet un village à la tradition préservée, fière de ses chalets de plus de 200 ans, dont la Maison du Patrimoine, dame vénérable de 1830, restaurée, meublée et … visitable, ou encore le Chalet 1864, devenu maison d’hôte de “luxe” particulièrement belle.
Aller au Marché au Reblochon (qui existe depuis 1795!), découvrir les artisans comme le bourrelier Didier Perrillat, flâner dans les rues à la découverte des fresques et des sculptures de l’Art Vache, ou encore se balader le long du Borne… Le village à lui seul mérite le détour.
C’est que le Grand Bornand est une station qui a résisté aux sirènes des promoteurs tout en cultivant deux saisons touristiques: l’hiver avec le ski et ses 86 km de pistes à partir de 1300 m à 2100 m; l’été avec des randonnées pédestres vers les Lac de la Cour ou de Peyre, vers les grottes Montarquis ou dans les alpages au pied de la Pointe Percée. N’oublie alors pas ton pique-nique, avec bien sûr un Reblochon Pochat & fils à partager et un petit Apremont pour te rafraîchir (avec modération).