Comment est fabriqué la farine de la fameuse baguette Retrodor®, la farine des minoteries Viron qui ont milité pour le retour du bon pain de tradition.
Je me souviens de mes premières Rétrodor® comme si c ‘était hier. J’habitais alors boulevard Malesherbes, dans une minuscule chambre de bonne, avec toilettes sur le palier. Je descendais et cheminais jusqu’à Champerret, pour avoir l’immense bonheur de sortir de la boulangerie en faisant craquer le croûte de ma baguette, une des premières qui avec ce bruit cristallin de la pâte dorée et ce moelleux de la mie aérée. Une des premières qui ne faisait pas le chemin retour entière, ou presque, tellement j’étais incapable de résister à grignoter les croutons… Car là-bas, ils faisaient de la Rétrodor®, contrairement à ma boulangerie du bas de mon immeuble. Et pour moi, c’était la meilleure.
Depuis, Rétrodor ® est une marque qui a réussi. Tellement, qu’elle a été copiée maintes fois et que l’on retrouve de la “tradition” partout, avec plus ou moins de bonheur.
Ce n’était pas gagné d’avance tant il y eut une résistance des boulangers, au début, convertis aux farines avec additifs et autres compléments miraculeux…
Quand en 1987, un boulanger client des minoteries Viron réclame à son fournisseur une farine sans additifs, on n’est pas loin de le prendre pour un fou. On savait encore faire de ces farines de mélange, sans aucun améliorant. Mais on ne faisait plus. Trop difficiles à panifier, trop compliquées à doser. Ces farines de mélange – on prend des grains de différentes qualités pour obtenir une farine dédiée spécifiquement à tel ou tel travail, au lieu de mettre dans une farine standard, des additifs et des adjuvants afin d’obtenir le rendu envisagé- ces farines de mélanges donc n’avaient plus la cote auprès des boulangers. Elles demandaient un autre savoir faire, d’autres compétences.
Pourtant, les minoteries Viron répondent à cet exigent, et lancent finalement le résultat de leurs recherches sous le nom Rétrodor® en 1989. Mais les habitudes sont difficiles à changer. On ne fait plus le pain comme avant guerre. Les boulangers n’achètent pas la farine.
Comme la Rétrodor ® ne marche pas auprès des professionnels, Philippe Viron a l’idée de communiquer auprès des… consommateurs. Cela nous parait évident, aujourd’hui, comme démarche marketing, mais ça ne l’était pas du tout à cette époque, pour une minoterie. Un moulin fournit les pro, il communique auprès des pro. Point final…
La campagne est cependant lancée, la pub “Réclamez la Rétrodor ®!” marchera du tonnerre: la marque et le mélange “Pain de tradition” décollent. C’est que son succès va coïncider en plus avec la montée de la suspicion du consommateur envers les produits de grande consommation: la crise de la vache folle (1995) passe par là. Le consommateur se tourne naturellement vers une tradition qui lui paraît rassurante. On veut du vrai, du bon, du sain. On achète une baguette Rétrodor®. Finalement, tout le monde se mettra au pain “tradition”. Tu n’as qu’à entrer aujourd’hui dans une boulangerie: la variété de pains qui est proposée est hallucinante. Quand j’étais enfant, ce n’était pas du tout le cas. Tu avais la baguette, le pain, la flûte, et un pain sans sel. Si tu avais de la chance, tu rencontrais le pain au son et le pain complet aux mies sèches et serrées comme des coups de trique. A côté, viennoiserie et gâteaux de ménage. C’était tout. C’était morne plaine, long comme une journée sans pain. Si tu voulais du levain ou des graines, de la farine un peu plus comestible… tu pouvais te brosser. Le pain, en ce temps-là -bouh que je suis vieille- n’était pas génial.
Une réglementation du “Pain de Tradition Française” sera mise en place en 1993, à l’initiative militante de Philippe Viron, afin d’éviter les écarts passés: dorénavant, pourront porter cette dénomination les pains composés uniquement de mélanges de farines, de sel, d’ eau et de levure ou levain et qui auront été cuits sur place sans passage par la case congélation.
J’ai visité il y a un mois le moulin Lecomte, à Chartres, qui est le navire amiral des Minoteries Viron. J’ai pu y rencontrer Alexandre Viron, le fils, qui nous a raconté l’histoire du moulin et de sa famille, et j’ai pu également “boulanger” avec Cyril Brunner, boulanger Conseil. J’avais envie de te transmettre tous les conseils qu’il m’a donnés, tant son travail est riche et passionnant.
Aujourd’hui, je te fais visiter le moulin…
C’est toujours assez impressionnant, un moulin. Et celui des Viron est particulièrement soigné. Alexandre Viron, l’amiral du vaisseau, est très attentif à la qualité de ce qui sort des moulins et cela se constate quant aux exigences technologiques qu’il s’impose.
Un exemple: La norme japonaise sur la finesse des grains est la plus contraignante du monde? Appliquons-la aux minoteries Viron…
Un autre: Les tamis c’est pas mal pour nettoyer le grain mais il reste toujours un peu de millet, cailloux, colza qui traine? Faisons plus simple: installons une machine à tri optique et éjectons les 10 grains de blé qui entourent la petite “saleté” comme cela on est sûr!
Je le prends en mode rigolade, parce qu’Alexandre Viron a de l’humour et partage sa passion avec ferveur. On sent qu’il cherchera toujours la petite bête pour faire le meilleur. Et on a très envie de le suivre sur ce terrain (quand une perfectionniste rencontre un perfectionniste).
A l’arrivée, on est pleinement convaincu, en tout cas. Et pas seulement en théorie, le passage par la boulangerie de Cyril Brunner finit par te convaincre complètement. Et du coup tu postules pour un stage… Je reviendrai très vite à Chartres, histoire de plonger mes mimines dans la farine de tradition et contempler la croûte magnifique et la mie aérée qui en résultent…
DEMAIN ON BOULANGE? A demain alors…
Intéressant mais vous ne dîtes pas d’où vient la farine avec laquelle se fait la Retrodor ! Vient-elle de Beauce ? Du Canada ? D’Ukraine ? Avec ou sans glyphosate ? Merci de votre reponse.
Bonjour, La farine provient des moulins Rétrodor qui se trouvent à Chartres, donc elle est française. Je pense que vous vous demandez la provenance du blé. Il est français, les fournisseurs étant les coopératives et les agriculteurs locaux des moulins. La Rétrodor n’est pas un produit biologique. Pour obtenir un blé, une farine, un pain bio, il faut que toute la filière soit biologique donc sans produits de synthèse. Les moulins Viron fabriquent de la farine bio mais elle n’entre pas dans le cahier des chargres de la Rétrodor. Pour une farine bio grand public, il faut se tourner vers la farine Decollogne qui est distribuée en grande surface : https://www.panierdesaison.com/2013/09/pain-bio-farine-decollogne-t65.html ou des farines vendues en magasins bio.