C’est à la faveur d’un petit voyage dans le Nord que j’ai pu visiter Bonduelle et comprendre, non seulement l’histoire de cette entreprise française familiale, mais également comment on fabriquait les boîtes de conserve des marques Bonduelle et Cassegrain.
L’histoire de Bonduelle
Aujourd’hui, Bonduelle est basée à Villeneuve d’Asq, mais c’est dans la ferme familiale de Renescure que tout a commencé. A l’origine, l’entreprise était une association de deux amis : Louis Lesaffre et Louis Bonduelle, et produisait de l’alcool. En effet, dans le nord, terre de betteraves et d’orge, entre autres, les distilleries étaient légion.
Créée officiellement en 1853, l’entreprise est scindée en deux en 1901, avec d’un coté une conserverie de poissons et de l’autre la fabrication de levures (Lessaffre, devenue leader de la levure de boulanger).
La troisième génération des Bonduelle crée en 1928 une conserverie pour mettre en boîte les légumes de la ferme de Renescure. Mais c’est après la guerre que l’activité prend un tournant plus industriel, et qu’apparaît la marque Bonduelle.
Étonnement, l’activité de conserverie est d’abord spécialisée dans le poisson. Ce n’est qu’à la 6ème génération que le tout légume prend la place et où Christophe Bonduelle, le PDG actuel, décide, au contraire de ses concurrents, de ne pas se cantonner à une seule technologie et à différentes familles de produits, mais au contraire à toutes les technologies de conservation possible, mais uniquement les légumes. Une stratégie à rebrousse tendance qui a l’air de bien leur réussir, somme toute.
Bonduelle c’est un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros, une présence internationale affirmée. Cela représente 1 million de tonne de conserves, 450 000 tonnes de surgelés, 350 000 tonnes de frais sous sachets. Les légumes transformés par les 4 usines françaises sont produits à 80% en France, 50% de la production mondiale est française. On pourrait penser que Bonduelle produit essentiellement des conserves sous les marques Bonduelle et Cassegrain, mais en fait, maintenant, son premier métier, c’est le frais à valeur ajoutée (entends par là, les salades en sachet, les légumes lavés taillés et emballés, ce que nous, en cuisine, on appelle la 4ème gamme).
Comment sont cultivés les légumes qui se retrouvent dans les boîtes de Bonduelle?
Bonduelle travaille avec des agriculteurs indépendants rassemblées en association. L’association gère les relations entre les producteurs et Bonduelle. Celle des Hauts de France est la Oplinor la plupart des agriculteurs sont là depuis 20 ans. Si les graines proviennent des grands semenciers comme Monsanto, il n’y a aucun OGM chez Bonduelle, pas même dans le maïs.
Nous sommes allés visité un champ de haricots “Hawaï”, une des 35 variétés que produisent les agriculteurs travaillant pour Bonduelle, et qui est un “easy pick”, les gousses se détachant facilement de la plante (et cela est obtenu par hybridation, c’est-à-dire de façon naturelle par le croisement des plants et la sélection).
Depuis 20 ans, les cultures vont vers le moins de traitement possible, avec une lutte raisonnée en curatif et non en préventif. Comme seulement 15% des surfaces sont cultivées, ce qui permet aux agriculteurs de gérer des rotations sur 6 ans. En alternance sur ces sols? Des animaux, des céréales ou des plantes captant l’azote.
Les semis sont souvent espacés dans le temps, car la difficulté est de gérer les récoltes selon les besoins de l’usine. Comme les légumes sont transformés dans les 6 à 8h, et qu’il faut que l’usine ne dépasse pas sa capacité de transformation, les semis sont étalés par exemple pour les haricots, sur 1 mois 1/2.
Sur un champ de haricots verts, nous avons assisté à la récolte par une immense “moissonneuse”. Ces engins récoltent 10 tonnes de haricots en 1 heure. Ce sont des sortes de peignes qui, une fois la plante entièrement arrachée par la machine, détache les gousses de haricot. Les feuilles sont évacuées par l’air qui les aspire ou les font voler. Les haricots, quant à eux finissent dans de grosses bennes. Alors ils peuvent s’acheminer vers l’usine, qui comme toutes celles de Bonduelle, se trouvent idéalement au cœur des meilleurs zones de culture.
Quand fabrique-t-on les conserves de légumes?
Nos haricots sont donc arrivés à l’usine… et dans moins de 8h, ils seront en boîte prêts à être consommés, conservés, expédiés, ou stockés. Comme l’activité est très saisonnière (ici pas de serres, une récolte à maturité optimale et une transformation rapide), l’essentiel de la surface de l’usine (16 hectares) est constitué de zones de stockage (en flux tiré, sur un an et un mois).
Quand le légume arrive, il est d’abord lavé, puis équeuté. Il est alors blanchi à 95°c et aussitôt mis en boîte. On lui ajoute alors du jus constitué d’eau, de sucre, de sel, d’arômes naturels. La boîte est alors sertie. Les haricots, ce n’est pas facile à mettre en boîte: figure-toi, ils ne veulent pas forcément s’aligner bien rangés pour ne pas dépasser. Alors une opération est partiellement faite à la main, celle d’enfoncer les haricots dans la boîte pour en perdre le moins possible lors du sertissage.
Les boîtes une fois fermées passent à la stérilisation, soit maxi 130°c pendant quelques minutes. Au fait, tu sais pourquoi il y a des plis sur la boîte? Eh bien parce que la boîte se dilate pendant la stérilisation: ces petits plis lui permettent de se déformer et de se rétracter au refroidissement sans exploser.
Une fois refroidies, les boîtes vont à l’étiquetage et à l’emballage… le circuit global a duré 1 heure, et pour un petit pois, du champ à la boîte, cela aura duré maxi 8h.
Mais une conserve, est-ce que c’est bon ?
J’avais pas mal d’idées reçues sur les conserves avant de discuter avec les responsables de Bonduelle. Par exemple, je pensais que les légumes perdaient tous leurs nutriments ou presque. Eh bien non, ils encaissent une perte de 15% de leurs nutriments par ce traitement, alors que le simple fait d’acheter des légumes frais chez un primeur et de les conserver une semaine dans ton réfrigérateur leur fait perdre de 40 à 60% de leurs nutriments.
Je pensais également que c’était bourré de sucre: il y en a un peu (c’est un anti-oxydant et un exhausteur de goût), mais pas tant que cela finalement: à toi de bien lire les étiquettes pour comparer les marques.
Enfin, je pensais que les saveurs étaient totalement flinguées par la stérilisation: mais en fait, pas tant que cela. Bon ok, cela ne remplacera jamais un légume frais cueilli dans le jardin de ton grand-père, mais comparativement à des produits venus de contrées lointaines, produites sous serres avec des boosters ou sans toucher le sol, je te dis cela: je préfère encore une bonne conserve de légumes…
Les conserves, je t’en ai déjà parlé avec l’histoire d’Appert dans La conserve, ça régale. Je t’y raconte l’histoire de la découverte et ses avantages. Mais franchement, il y en a un qui dépasse tout: c’est qu’une conserve, tant qu’il n’y a pas de trou, elle est éternelle!