Au Bonheur de la Ménagère à la Villa Savoye

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La Villa Savoye, l’entrée qui donnait sur le panorama disparu aujourd’hui

Je te donne deux raisons de te déplacer jusqu’à Poissy.

La première est bien sûr de visiter la Villa Savoye de Le Corbusier. Si tu ne l’as pas déjà fait ou si tu adores tellement l’ensemble que tu t’es fait offrir le Légo de la Villa Savoye pour Noël, vas-y, c’est toujours aussi magique.

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La maison du jardinier ou du gardien à la Villa Savoye

La seconde, l’expo qui s’y déroule jusqu’au 9 mars sur les Arts Ménagers des années 30 aux années 60: Au Bonheur de la Ménagère.

Je n’avais jamais vu la Villa Savoye. Mais j’en entends parler à peu près une fois tous les deux jours tellement Jeff la “kiffe grave”. D’ailleurs il nous a fait un petit caprice post-ado: je lui ai offert la Villa Savoye en légo pour Noël. Si tu l’avais vu jubiler!

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L’escalier et le départ de la rampe

De l’extérieur, je m’en faisais sûrement une montagne de cette villa, car je l’ai trouvée relativement petite. Il faut dire que jusqu’à ce que les Monuments Nationaux ne la rachètent, elle a eu chaud! La ville exproprie la famille Savoye en 1958, et le parc est amputé de l’essentiel (6 hectares sur 7 quand même) par la ville de Poissy qui était bien partie pour l’éradiquer avant les années 60. D’ailleurs l’architecte qui a construit le Lycée en 1963 (le Lycée Le Corbusier, bien sûr!) qui empiète donc sur le paysage en prenant place sur 80% de l’ancien parc devrait se suicider, s’il n’est pas déjà mort, tellement ce qu’il a dessiné si près de la villa est une monstruosité. Heu, je te conseille de fermer les yeux sur les cités environnantes, pareil… Mais bon, je vois cela avec mes yeux de contemporaine, pas ceux des reconstructeurs de l’après-guerre… mais quand-même.

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La chaise LC4 et les fauteils LC2 designés par Le Corbusier

La grande prairie donc, qui coulait de la villa jusqu’à la mini-falaise devant une vue panoramique sur Paris, a disparu, les arbres qui cachent les horreurs du lycée occultent la perspective, et la villa paraît toute petite par rapport à la dimension qu’elle avait dans son environnement ouvert. Elle est confinée, elle étouffe et ne rend plus ce qu’elle devait sembler à l’origine.

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Le génie des vues dérobées ou découvertes… Vue du boudoir de la chambre principale, devant le bureau
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Le bureau du boudoir, avec cette vue… Le boudoir s’ouvre directement sur la terrasse mais avec un passage abrité pour éviter l’agression directe de l’extérieur.

Cette impression disparaît dès que tu passes le hall. C’est alors que l’espace surgit. A la faveur de l’escalier, tout d’abord, qui à lui seul résume tout l’art de Le Corbusier. Il est magique cet escalier. En courbes, en lignes, avec une tige verticale qui descend jusqu’au sous-sol d’un seul tenant, et des garde-corps qui respirent à leur intersection pour mieux laisser passer le regard. Comme dit Jeff, n’importe quel architecte ne se serait pas foulé, il aurait fermé les murs de l’escalier. Ici, tu as une légèreté du béton sur un ouvrage qui ressemble à une cheminée de paquebot. Cheminée qui émerge des terrasses (au-dessus du solarium) et donne à cette villa blanche comme un air de voyage.

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Les rampes Le Corbusier: c’est très beau mais je ne les aime pas.

 

Bon je ne te parle pas des rampes de Le Corbusier, il y en a bien sûr dans cette Villa, je ne les aime pas. L’intention était de conduire en douceur d’étage en étage. Mais, même si cela s’intègre bien et crée des lignes ascensionnelles intéressantes à l’œil, franchement, monter et descendre sur ces rampes -surtout en talons- c’est pénible. Et c’est un mange-espace monstrueux. Oui, je critique Le Corbusier, et j’assume.

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Salle de bain de la chambre principale: une merveille! Le néo-classique intégré au modernisme et au fonctionnalisme. J’adore. Je veux la même ;-)!

 

La lumière est une des composantes majeures de cette construction. Elle est partout, aux murs -verrières, baies, fenêtres. Elle est au plafond grâce à une multitude de puits, et sur les murs, par le truchement d’une ouverture,  par la couleur, ou alors, en dernier ressort, par des appliques merveilleuses de simplicité, orientables à la verticale ou à l’horizontale.

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La chambre principale, une bel espace, avec les rangement intégrés, et un placard qui fait office de séparation avec un espace bureau ultra lumineux.

Tu as les pièces, chacune différente, jamais rectilignes, jamais cube! Autant j’avais trouvé les pièces minuscules à la maison Jeanneret qui abrite sa fondation à Paris , autant ici, tu as du champ. Le mobilier, en bon fonctionnalisme de l’esprit nouveau, est intégré: les placards, les bureaux sont ici en durs, implanté aux endroits stratégiques (une vue, de la lumière) ou font office de paravent, de séparation. Il ya également cette incroyable salle-de-bain qui fait systématiquement pousser un cri d’admiration à chaque entrant. Bleu lagon, elle est courbes et lignes, puits de lumière et ouverture sur la chambre. Elle est juste une perfection qui a du inspirer bien des concepteurs tant elle est parfaite.

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Tu peux te balader sur les terrasses, ces jardins suspendus, qui, s’ils avaient été aménagés correctement, te feraient voir tous les petits éléments de vie auxquels avait pensé Le Corbusier: une table ici pour prendre le thé, un bureau face à la plus belle vue pour travailler sereinement ou distraitement. Ce auvent, passage couvert entre la chambre et la terrasse, pour te guider en douceur vers l’extérieur sans violence…

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Cuisinière La Cornue

Enfin, il y a dans cette villa, une vraie cuisine. Le contraire de ce qu’avait dessiné Le Corbusier dans la maison Jeanneret, l’esprit de ce que concevait un Mallet-Stevens: une pièce centrale, ouverte, lumineuse. Une pièce logique, propre (“L’Esthétique de la cuisine” article de Mallet-Stevens dans Art Ménager, 1931). Ce qui sera construit dans la Cité radieuse (même si cela se réalise en de tous petits espaces). La cuisine est une pièce à vivre: le concept de “Pullman-rock” des cuisines américaines.

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Frigéco: le réfrigérateur à compresseur à vapeur (le truc au-dessus)

D’ailleurs, pourquoi placer l’exposition de la révolution des arts-ménagers des années 30 dans la Villa Savoye? Outre que cette villa a été construite  juste à cette charnière, entre 1928 et 1931?

Parce que Mme Savoye, qui commande ses espaces de vie à Le Corbusier, illustre parfaitement dans ses lignes le rationalisme de l’esprit nouveau: elle veut une cuisine rationnelle, fonctionnelle, avec mobilier intégré, hygiénique, adaptée aux besoins. Chaque espace doit être dévolu à une tâche: “Une cuisine comme à la Ville d’Avray avec 3 prises de courant force et 2 éclairages. Un office un peu plus grand que celui de Ville d’Avray (La villa Church, construite en 1927 et aujourd’hui détruite), un emplacement pour la lessiveuse électrique et une prise de courant force”. La villa Savoye adopte la cuisine moderne: elle dispose d’un plan de travail, de différents emplacements pour accueillir la cuisinière La Cornue qui grâce à son four “à trois enveloppes concentriques calorifugées” permet une cuisson “sans surveillance” (publicité La Cornue 1928),  le réfrigérateur électrique (par compresseur de vapeur) dont la marque star Frigidaire (référence avec Frigéco dans les années 20) deviendra un nom commun, ou encore les appareils ménagers comme le H5 de Kitchenaid (l’ancêtre du Classic ou de l’Artisan que tu connais maintenant qui est un H5 designé en 1936).

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Ce Kitchenaid Classic date de 1937! J’ai exactement le même à la maison, sauf qu’il a été fabriqué en 2010. Le H5, son ancêtre, qui était plus “brut” de pommes, inventé en 1927 a été vendu à 20 000 exemplaire les trois premières années. Va voir l’histoire de Kitchenaid, c’est passionnant.

L’exposition, si tu te livres attentivement à l’examen des objets et de leur histoire, est passionnante. Le film qui est diffusé dans le garage (étonnant le garage d’ailleurs!) est édifiant des idées reçues et du sexisme ambiant des années 50. On en rit mais… au moment où l’on parle d’égalité sans l’avoir atteint, on se rend compte combien les mentalités ont évolué en moins d’un siècle.

Voilà la balade que je te propose, elle est riche, elle est double.

Pour ma part, j’en ai pris plein les yeux, j’ai appris plein de choses (ramasse bien le dépliant de l’expo, il est super riche) et j’ai une furieuse envie, maintenant, de me pencher sur l’architecture de cette époque et sur l’évolution des arts ménagers de l’après guerre 14-18 jusqu’à nos jours: c’est passionnant!

VILLA SAVOYE- LE CORBUSIER
82 rue de Villiers
78300 POISSY
Visites tlj sauf le lundi de 10h à 17h (attenton fermeture de 13h à 14h du 2 novembre au 28 février)
A NOTER: les visites guidées sont une très bonne source d’infos (1h)

AU BONEHUR DE LA MENAGERE
Villa Savoye, Poissy
Du 15 novembre au 9 mars 2014

1 réflexion au sujet de « Au Bonheur de la Ménagère à la Villa Savoye »

  1. Merci pour la visite, c’est toujours très intéressant de découvrir des endroits tels que celui-là. Mention spécial au Kichenaid!!!!!
    Je lirais toute l’histoire ultérieurement…. Là j’ai des zouzous à nourrir!!!!

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