Visite guidée de la belle maison de Champagne: Devaux, bien connue des restaurateurs et de plus en plus du grand public.
Lors des Nuits de Champagne, festival de Troyes qui encadre la Journée du Champagne le 24 octobre, j’ai été invitée à découvrir la maison Veuve A. Devaux. La maison Devaux est une maison de Champagne de la Côte des Bar. Elle est restée familiale jusqu’à ce qu’en 1987, faute d’héritiers, elle soit confiée par le dernier d’entre eux à L’Union Auboise sous le nom de Groupe Vinicole Champagne Devaux, dirigé par Laurent Gillet. Les champagnes Devaux fonctionnent maintenant en une coopérative qui aurait sa propre marque de champagne.
C’est Marie Gillet, en charge de la communication et du marketing qui nous accueillera lors de cette journée. Beaucoup de femmes sont présentes dans cette maison: l’œnologue qui fit la dégustation, les portraits aux murs, l’histoire de la Veuve A. Devaux, ou plutôt des veuves, puisque trois d’entre elles eurent successivement la main sur le destin de la maison pendant les XIX et XXème siècle.
Le Domaine de Villeneuve, le manoir Devaux, est une bâtisse Mansard, agrémentée d’un pigeonnier et d’un grand parc. C’est un lieu que tu peux visiter, où tu peux déguster et acheter les champagnes de ton choix. Quelques mots de cet endroit, car il est assez emblématique de ce que depuis quelques décennies, le Groupe Vinicole Champagne Devaux a essayé de bâtir: un lieu historique, rénové avec goût et respect mais également avec sobriété. Une décoration pure qui s’allie bien avec le manoir XVIIIème, un cadre naturel repensé et audacieux. Il y a de l’histoire, on le sent, il y a une volonté de modernité, également, sans dépoussiérage excessif, sans oppositions radicales.
La dégustation a été menée parfaitement par une œnologue qui nous a fait non seulement découvrir les vins de champagne mais également les vins de réserve, pour nous faire comprendre la mécanique et les choix d’assemblages. Il est incontestable que ce sont des champagnes que j’apprécie énormément. Je ne les connaissais pas, et le titre du post, s’il parle de re-découvrir, c’est que j’ai sûrement goûté plus d’une fois ces champagnes sans m’en rendre compte… Cela s’explique par les choix de commercialisation de cette marque. Comme ce n’est pas une production énorme et omniprésente dans les réseaux de distribution, le choix a été, pendant un moment, de le proposer essentiellement à la restauration. De très grands chefs servent ces flacons, comme Pic, Gagnaire, Marcon, Savoye ou Sulpice. On le retrouve également dans des maisons plus modestes. Un des effets de ce type de commercialisation est de ne pas être si connu du grand-public, et de ne pas aborder des prix excessifs au regard de la qualité des vins.
Car il faut dire que le rapport qualité-prix m’a bluffé ! Et c’est peut-être d’ailleurs un choix: comme me l’expliquait le directeur commercial de la marque, il y a deux sortes de produits de luxe. Les bling-bling (du genre le Dom Pérignon: là c’est moi qui parle, pas du tout Cédric Mer), ces champagnes qui surfent sur le prix pour leur en donner… (je te raconterai un jour ma rencontre avec ce champagne, un mythe à l’écroulement, ce fut et cela reste dans ma mémoire). Et les rares: cette rareté du flacon ne rime pas forcément avec cherté, elle rime avec difficulté d’approvisionnement ou publicité réduite. Pas de grandes pubs 4×3 sur les murs de la ville, pas de star à l’affiche pour vanter le produit, pas de bulldozer de com. au moment des fêtes.
Mais place à la dégustation:
Les accords mets vins ont été réalisés par le chef Xavier Delavenne, du restaurant le Céladon. Nous avons commencé par un chaud-froid de langoustines et gelée de pommes, accompagné d’une Cuvée D 2008. Le nez est gourmand, vanille boisée avec des arômes plus grillés. Cela se confirme en bouche: l’attaque fraîche, sur les fleurs blanches et la finesse, puis se développe sur du crémeux et du toasté. Je reproche souvent aux champagnes leur mode actuelle d’être hyper frais, hyper fruité, trop pour moi. J’aime quand je peux déceler au coeur d’un produit que j’adore, la marque du ou des vins qui le composent. Pour cela il faut des champagne qui ont pris le temps. Auxquels on a laissé quelques années pour mûrir et développer tous leurs arômes. Les champagnes Devaux classiques bénéficient d’un vieillissement de 3 années minimum, la collection D, de 5 ans, et cela se sent tout de suite. Les vins de réserve qui composent jusqu’à 50% des assemblages, ont le temps d’épanouir leurs arômes.
J’ai fait le test à la maison: tous ceux à qui j’ai fait goûté l’une ou l’autre collection ont regardé leur verre en me disant: “il est bon ton champagne!” C’est parce qu’il y a de la matière. En bouche, il y a de la présence et pas uniquement du fruit et de la fraîcheur. Ce sont les champagnes que j’apprécie, et j’ai donc été comblée pendant cette dégustation.
La cuvée D est composée de 60% de pinot noir, 40% de chardonnay. Je suis étonnée de retrouver sur ce champagne des notes grasses du chardonnay évolué. Ces notes de pain grillé doux et toasté à la fois.
L’ultra D arrive à point pour conclure ce que nous ressentons sur ces vins. C’est un champagne qui ravira les amateurs de fraîcheur, de pureté. L’attaque de ce champagne est vive, fraîche, mais sans claquer ou grincer les papilles. C’est un champagne dosé à 2% de liqueur sur la même proportion de dosage que la cuvée D, 60-40. La rondeur du Pinot noir s’exprime moins que dans la cuvée D, mais la fraîcheur de ce champagne est accompagnée d’une jolie minéralité.Le pamplemousse pointe, les notes grillée également. Des épices… Il faut savoir que les Cuvée D sont des champagnes complexes. Si les champagnes non millésimés sont ainsi, je n’ose imaginer ce que sont les millésimés.
La petite raviole aigre-doux au homard et vinaigre de framboise qui arrive ensuite me réjouis les yeux. J’adore ces nuances. Par contre j’aime moins l’accord du même au même que nous a proposé le chef: le rosé Cuvé D est frais, fruité, sur les groseilles et la framboise. Du coup, je n’ai pas vraiment distingué le champagne de mon amuse-bouche.
Nous avons terminé sur le millésimé 2006. Sur un maki de foie gras et de magret de canard. C’est le champagne dont j’ai essayé à mon faible niveau et en direct live de te transmettre la couleur dans le verre plus haut. Déjà, pour un champagne, tu ne t’attends pas à cette profondeur. Il est or rouge, beaucoup plus brillant que sur la photo. Tu te dis que là: il y a du lourd. L’effervescence du vin est continue, nerveuse. Le nez est sur l’écorce d’agrume, le fruit d’été, les notes grillées. Le millésimé 2006 est 50%/50% en pinot noir et chardonnay. Les deux se conjuguent ici à merveille pour un équilibre complexe: tu vas et viens entre l’agrume et la fraîcheur puis le fruit sec et le toasté. Il est frais à l’attaque mais tout de suite, le vin s’installe en bouche, la tapisse. C’est un champagne que tu as envie de mâcher et auquel tu ne résistes pas d’y revenir.
Le déjeuner s’est poursuivi avec le chef, autour d’une table d’hôtes placée au centre de la cuisine. J’y ai eu l’occasion de découvrir le rosé des Riceys: vin tranquille rare, plutôt local, il est appelé l'”Or rose” par ses amateurs. C’est un rosé à la couleur confite, à la saveur fruitée, épicée mais assez soyeuse. Il faudrait que je t’en reparle car j’aimerais le goûter en dehors des champagnes, mais je te recommande de ne pas passer à côté si tu le rencontres.
Une fois sur les collines de la Côte des Bar, en compagnie d’Etienne Sandrin, nous avons pu apprécié la démarche du vigneron et le paysage. Historiquement, la maison a essentiellement exporté, jusqu’aux 3/4 de sa production. Elle est encore très présente dans de nombreux pays, d’ailleurs. Une production assez réduite: 750 000 bouteilles environ, pas plus. Car plus ne permettrait pas à au champagne Devaux de demeurer ce qu’il est: un champagne gravé en ses terres, la Côte des Bar, réalisé comme des œuvres d’art, sans s’éloigner d’une ligne éthique stricte (leur Charte Qualité Vignoble) et d’un groupe d’hommes choisis. 950 vignerons construisent le fruit du champagne Devaux, sur deux territoires: la côte des bar pour le Pinot noir, la côte des blancs pour le chardonnay.
Comme le dit si bien Etienne Sandrin: sans vouloir être bio à tout prix, s’engager sur une viticulture durable est déjà pour les champagnes Devaux, conjugué au présent. Car c’est du bon sens. Le bio est une intention forte en Champagne. Mais la démarche des champagne Devaux est d’abord une démarche qualitative. On s’est souvent moqué des premiers vignerons qui faisaient leur “tisane” au moment des pulvérisations. De ceux-là qui passaient tous les jours voir leurs petits (leurs parcelles) pour en connaître la moindre variation. Mais cela donne des vignes en accord avec leur terre, pas de ces parcelles qui restent désespérément vertes à l’automne.
Etienne Sandrin nous expliquera que la coopérative a ses avantages: comparaison constante des savoir-faire des uns et des autres, elle tire la culture vers le haut. Les essais techniques d’un vignerons nourrissent toute la communauté. La réussite convainc au lieu d’opposer. Pour la petite histoire, la parcelle que nous avons visitée est sur la colline de Beauregard. Mais au hasard d’une impatience de paysans vis-à-vis des fonctionnaires napoléoniens de l’époque, celle d’en face s’appelle Montrecul…
Etienne Sandrin a été d’une patience exemplaire devant mon ignorance de la vigne: il m’a expliqué pourquoi, question que je posais en naïve totale, on taillait les vignes si bas en champagne. Cela s’appelle la coupe Guyot: elle permet de résister aux gelées. Avec cette même patience, il nous explique comment j’ai pu faire pour faire crever la mienne à la maison: j’ai trop coupé. Je me promets de revenir donc pour apprendre…
Où trouver les champagnes Devaux:
Tu peux trouver certaines cuvées exclusives chez Monoprix. Sinon, je t’invite à te rendre sur la e-boutique en ligne Devaux.
C’était le dernier post “hors” Noël… A partir de la semaine prochaine, je te donne rendez-vous pour un mois de festivités, de saveurs, de réjouissances… astuces, pistes déco ou shopping, gourmandises, tables de fêtes… Je prépare cela depuis quelques semaines maintenant, j’espère que cela te fera paisir. En attendant, champagne! et bon Week-end!
PS: tu me promets de consommer tout cela avec modération et de ne jamais conduire après?!
Excellent récit ! La degustation donne envie !