Quelle est la différence entre toutes ces appellations de potages, soupes et autres veloutés ? Qu’est-ce qu’un bouillon en fait ? Un consommé ? Et pourquoi parle-t-on d’une crème de champignon mais d’un velouté d’asperge ? Voici comment s’y retrouver.






La grande famille des potages.
Toutes ces entrées qui se mangent plutôt liquides et dans un bol ou une assiette creuse sont des potages. Les potages sont des préparations culinaires composés de légumes, de viandes, de poissons qui cuisent dans un grand volume d’eau. Les potages peuvent être clairs, en morceaux, en purée ou liés.
Mais qu’est-ce qu’une soupe ?
La soupe est une base alimentaire universelle, que l’on a mangé depuis la nuit des temps, dans tous les pays sur tous les continents et qui se caractérise par l’adjonction d’un liquide chaud sur un base céréalière. En France, “soupe” signifie “tremper” car la soupe était constituée d’une tranche de pain sur laquelle on versait un met liquide plus ou moins clair, plus ou moins garni, plus ou moins maigre, le brouet.

La soupe reste donc un plat à part entière, souvent l’unique plat de la journée, et dans l’image d’Épinal, le plat complet et unique des paysans du Moyen-Âge. La soupe est un plat qui nourrit et qui ne se contente pas de faire office d’entrée d’un repas. Les appellations que nous avons gardées aujourd’hui en cuisine française désignent bien des soupes plats complets avec pain, comme la soupe à l’oignon ou la soupe de poisson.
Le potage est quant à lui un terme du 13 ème siècle qui, littéralement, signifie : ce que l’on met dans le pot, donc ce que l’on cuit au pot. Il prend peu à peu le pas sur la soupe en même temps que la Révolution alimentaire qui s’opère pendant la Renaissance : la nourriture devient de moins en moins épicée et aigre-douce (à la manière des recettes asiatiques, sucrées salées) ; la matière grasse, beurre et crème, et les légumes deviennent de plus en plus présents, le repas passe de diététique, c’est-à-dire une alimentation qui prend soin du corps et de l’âme, à gastronomique.
Quelle différence entre la soupe et le potage, le reflet de la révolution gastronomique dans la France du XVII ème siècle ?
Le terme “potage” commence à remplacer la “soupe” à l’essor de la grande cuisine, à partir du XVII ème siècle. Il signifie “cuire dans un pot” et désigne aussi bien des ragoûts que des soupes (sous leur acception moderne). Dans le mouvement du diététique vers le gastronomique, le potage va peu à peu remplacer le mot “soupe” pour les mets du 1er service des repas élaborés pour la noblesse puis la bourgeoisie. Mot plus raffiné tout en même temps que le met s’allège, le “potage” devient la “soupe” des hautes classes.

Au siècle de Louis XIV, on a abandonné les épices et les liaisons au pain du Moyen-Âge et on développe une consommation des légumes jusque-là peu courante car considérée de basse extraction. Le “Potager du Roi” créé en 1678 par Jean-Baptiste La Quintinie devient un des joyaux de la couronne et une source d’inspiration sans limite pour les nouveaux chefs cuisiniers.
Dans le grand service à la française, où plusieurs plats viennent prendre place sur la table à chaque service, laissant chacun se servir selon sa proximité avec les plats* et son goût, le potage vient avant ou avec les entrées et avant les hors-d’œuvre. On gardait encore quelques principes diététiques dans l’ordre des mets et il fallait manger les plats “légers” avant les mets plus lourds. Les potages et les bouillons, très liquides, étaient considérés comme légers.
Le potage est alors une soupe légère, confectionnée avec de plus en plus de légumes qui, contrairement à la soupe, ne nourrit pas mais fait entrer les autres services. C’est à cette époque que sera valorisé le consommé ou bouillon clair, les potages taillés, les potages passés (en purée), les crèmes et les veloutés.
Les différents potages de la cuisine française.
Il existe 5 grandes catégories de potages :
- les potages clairs,
- les potages taillés,
- les potages purées de légumes frais ou de légumes secs,
- les potages liés,
- les soupes de poissons et crustacés.
Les potages clairs : bouillons et consommés.
Les potages clairs sont des bouillons, c’est-à-dire un liquide dans lequel on a cuit des aliments mais sans que l’on serve les aliments solides. Seul le liquide, l’extrait des saveurs de ces aliments est valorisé. Cet extrait ou bouillon est appelé marmite en cuisine française : on plonge des éléments sapides (ceux qui donne du goût) dans une grande quantité d’eau froide que l’on porte peu à peu à ébullition et que l’on fait mijoter. Le fait de partir d’eau froide permet un échange des saveurs entre les aliments et l’eau, une sorte d’équilibrage qui s’appelle l’osmose en chimie. L’eau se charge des saveurs des aliments qu’on y a plongé.

Pour servir le bouillon, on le clarifie, c’est-à-dire qu’on lui ôte toutes les petites particules en suspension afin qu’il devienne translucide. Le bouillon clarifié s’appelle le consommé. On lui adjoint alors des petits légumes cuits à part, coupés en brunoise (petits dés) ou en julienne (filaments), ou on le lie avec de la crème et des œufs (cela s’appelle aussi un velouté, voir plus bas).
Mes quelques recettes de consommés et bouillons :



Les potages taillés.
Les potages taillés sont des potages qui sont le résultat direct de la cuisson des légumes dans un liquide, eau ou bouillon. Les légumes qui restent apparents lors du service sont taillés en brunoise, des petits cubes ou en paysanne qui est une coupe en petites lamelles. Je recommande toujours de bien saler le liquide de cuisson pour qu’il y ai un échange de saveur entre les légumes et l’eau et surtout de commencer la cuisson à froid, pour que l’échange se fasse totalement, le bouillon dans lequel baigne les légumes étant aussi important que les légumes.

Ces potages étaient servis traditionnellement avec des croûtons de pain et du fromage râpé.
Le potage taillé emblématique avec tout une série de légumes de saison est le potage cultivateur. Il est normalement agrémenté de lard blanchi ou de poitrine de porc. Mais tu peux complètement le réaliser sans. Et tu peux varier les légumes au fil des saisons.
La soupe au pistou ou le minestrone sont des potages taillés, comme le sont les potées par exemple. Voici mes recettes à base de légumes taillés :


Les potages purées.
Les potage purées sont des potages taillés qui ont été mixés. Il n’ont normalement pas de liaison autres que la purée de légumes, mais peuvent être enrichis de crème et de beurre.

Ce sont souvent des potages que l’ont fait facilement, comme le potage lyonnais, ou la vichyssoise aux poireaux et pommes de terre. Les appellations désignent souvent leur composition, ainsi :
- Condé sera à base de haricots rouges,
- Saint-Germain sera à base de petits pois,
- Freneuse sera à base de navets,
- Parisienne sera à base de poireaux,
- Parmentier à base de pommes de terre, etc. .








Parfois ces potages purées sont liés et ils deviennent alors des crèmes et des veloutés.
Les potages liés : crèmes et veloutés.

Un potage crème ou velouté est un potage purée ou bouillon lié avec une sauce blanche (roux blanc + bouillon), des jaunes d’œufs et de la crème. On le nomme crème quand il y a plus de crème et que la sauce blanche est remplacée par une sauce Béchamel (roux blanc + lait).
Par extension, on désigne souvent des potages purée non liés mais crémés comme étant des crème ou des veloutés mais c’est un abus de langage.




Les soupes de poissons et les bisques.

Les soupes de poissons sont par définition des potages purée à base de poissons. On peut bien entendu réaliser une crème de poisson en la liant au roux blanc et en la crémant et même des crème à base de coquillage comme la crème dieppoise, à base moules de bouchot.

Les bisques sont des fumets extraits de carapaces de crustacés, liés normalement au riz cuit ou à la fécule de riz. Quand je les réalise, je préfère juste les crémer, c’est plus léger.

* Les convives lors des tablées de la noblesse étaient réparties selon leur rang autour de la table. Le personnage le plus important était placé au centre de la table (et non au bout comme on le croit souvent), car cela lui permettait d’accéder au plus grand nombre de plats et donc de se composer un menu diversifié et a son goût. La pire place était celle du bout car on avait accès à peu de plat et on dépendait de son voisin pour atteindre les autres, image symbolique de la dépendance à plus haut que soi.