Le restaurant le Pharamond, Paris 1er

Pharamond les escaliers et les miroirs
L’escalier qui mène au second étage du Pharamond

La rue de la Grande Truanderie (Paris 1er) porte bien son nom, étant donné les pièges gastronomiques qu’elle a pu ou peut encore te tendre. C’est la rue du très tendance Pirouette, du très ancien Chez Vong (qu’on appelait Madame Vong quand j’étais petite) et du  plus ancien encore Pharamond.

Pharamond salle rdc
Le Pharamond, la salle du rdc

C’est au Pharamond que l’on s’en va fêter le mois de novembre Tripier. Car cette maison bi-centenaire ou presque, est une légende parisienne de la Tripe de Caen. Fondée en 1832, la maison était une triperie normande des Halles qui forte de son succès et de la construction des pavillons Baltard, s’installe au 24 rue de la Grande Truanderie pour restaurer ses habitués. Le restaurant est mis au goût du jour en 1898, au goût du jour, cela voulait dire décoré des volutes et couleurs de l’Art Nouveau. La maison a traversé le siècle dernier dont il subsiste encore des nostalgiques, à tel point qu’il arrive encore certains jours que de vieux habitués viennent tacler Luc Morand, le propriétaire des lieux, parce que les normes de sécurité n’acceptent plus qu’on les servent comme avant, dans un chaudron posé sur braises.

Pharamond killeuse
Le Pharamond, des accrochages contemporain secouent un peu la vieille dame…

Luc Morand en a rencontré, des vieux de la vieille, lui rappelant le passé de l’antique dame. Il s’était d’ailleurs déjà fait la main (et la silhouette) avec le Bouillon Racine. Les deux restaurant se ressemblent d’ailleurs, le Bouillon étant peut-être un peu moins Art Nouveau et plus popu, là où le Pharamond brille encore de la volupté bourgeoise de son passé. Si le Bouillon Racine a résisté à redémarrer pendant quelques années, il n’a pas fallu longtemps après ses premiers signes de réussite à Luc Morand pour se jeter à nouveau dans la bataille et relancer ce genre de défi, il était mordu. Lui qui s’ennuyait dans le markéting… a été largement servi.

Pharamond intérieur cave
Le mystère de la troisième cave… un lieu magique!

Reprendre aujourd’hui (en 2011) le Pharamond est un drôle de pari dans un Paris en devenir: les Halles, j’y ai grandi, j’en ai connu les heures de gloire modernistes, celles de la fin des Pavillons Baltard, de la construction horrible mais à l’époque culottée du trou des halles, de la transformation de ce quartier populaire et industrieux où l’on venait s’encanailler à un quartier défiguré envahi de rer-banlieusards en transit et de touristes égarés. Le quartier était devenu un no man’s land informe où le parisien ne sortait plus le soir, lui préférant le Marais à l’historique affiché et propret, le 10ème encanaillement popu embourgeoisé ou le Louvre-St Honoré au “chic society” exorbitant.

Pharamond cave à vins
La deuxième cave du Pharamond, pour les dégustations entre amis

A l’acquisition de sa nouvelle perle, Luc Morand s’est précipité à l’Arsenal pour vérifier que le nouveau projet de la canopée des halles n’allait pas une nouvelle fois bétonner la réputation de son environnement. Apparemment il fut convaincu de ne pas fuir, comme d’autres puisque certains investissent à nouveau dans ce quartier qui remonte en estime.

Pharamond Cristal
Le Pharamond: un luxe de détails et de bel ouvrage 1900

Je profite donc de ce lieu magique, au décor impressionnant soigneusement conservé et rénové, à l’âme encore vive, et au décalage assumé avec tact et respect.

Pharamond salon Express
Le Pharamond: le salon Express

Nous avons dîné dans un des salons du second étage. Mais à notre arrivée, c’est dans les sous-sols aux accès difficiles que nous convie Luc: passer deux portes de 90cm de hauteur, des escaliers escarpés (escarpins prohibés) et tu arrives dans une troisième cave, loin des bruits de la ville et de l’agitation de la salle, où a été installée une table d’hôte incroyable. Nous y prendrons un apéritif copieux: foie gras et petit tartare de thon, apéritif  accompagné d’un agréable Chablis Premier cru. Nos discussions sont alors ponctuées de coupures d’électricité qui rendent plus mystérieuse encore si ce n’était possible, cette aparté en sous-sol.

Pharamond Salon Alexandre
Une richesse de décor qui te rend nostalgique de certaines époques… Le Pharamond, le salon Alexandre

A notre remontée, c’est directement au second étage que nous grimpons, jusque dans un des salons intimes que tu peux réserver à tout moment: le salon Plume qui est mon préféré, le Salon Express plus grand, le salon Nuage, petit et discret, ou notre grand salon du soir: le salon Alexandre, du nom du fondateur de la maison.

Pharamond selfie en cascade
Selfie au Pharamond, c’est tout de suite un tableau: Luc Morand à gauche, puis ta serviteuse, Nawal et Dorian

Ces salons en ont vu des vertes et des pas mûres, des histoires d’aristocrates et de lorettes, des visites de de politiques (Mitterand), d’acteurs (Lino ou Tyron Power), des gais lurons attablés (Coluche)… Luc Morand raconte encore d’un air amusé cet habitué qui réserva un salon au début de son exercice: deux hommes et une femme prennent place dans ce lieu intime où il reste encore la sonnette pour appeler le serveur. A son retentissement, la serveuse du jour monte au second prendre la commande: elle tombe nez-à-nez avec deux messieurs attablés (rien que de bien normal dans un restaurant) mais également avec une femme nue à quatre pattes et en laisse… ce qui fut moins de son goût. Le lieu se prête à ce genre de fantasmes, chargé de son charme 1900 et d’une image d’Épinal de Paris la nuit. Aujourd’hui, point de comportements étranges mais une décoration qui rappelle les dessous sulfureux de cette dame antique, relevée par un soupçon  de photos osées mais de bon goût.

Pharamond le salon plumes
La salon Plumes du Pharamond

Je commence par un rafraîchissant chèvre aux légumes grillés, servi d’une petite salade et accompagné d’un délicieux Corton Pougets Grand Cru. Le velours du fruit et des épices de ce vin me remettent de mes émotions (je n’avais pas envisagé de filer mes bas dès l’apéritif n’ayant pas vu sur mon invitation qu’il fallait me chausser et m’habiller tout terrain ;-)!). Suivra un Faugères atypique, sur le fruit compoté, accents de pruneau que Luc Morand s’est précipité d’aller chercher dans ses caves, ayant entendu que deux d’entre nous aimions ce jus-là. Luc Morand a l’air d’apprécier les vins, et il les choisit avec gourmandise sur toute une gamme de prix.

Pharamond Laurent et bar lumineux
Laurent, le chef de salle charmant, est près d’un bar lumineux aux dessins Lalique. Une merveille de l’Art Nouveau! Le Pharamond est une boîte à bijoux!

Passons au plat: je choisis (c’est rare de pouvoir choisir sur un dîner presse, on mange tous la même chose généralement, et c’est agréable de pouvoir le faire), je choisis donc une andouillette faite main de la Maison Forces Raix (200g). J’ai calé dans mon hésitation sur les Tripes de Caen, j’avais déjà mangé trois entrées, somme toute, et j’avais peur de ne pas pouvoir finir. L’andouillette est un délice. C’est un peu un galop d’essai, puisqu’elle arrive à la carte d’hiver en 400g, son poids entière. Ici, elle est coupée en deux,  dorée  avec soin, tellement croustillante et goûtue que j’en deviens goulue. Je la finis!

Pharamond andouillette 3
L’andouillette, à ne pas manquer au Pharamond

Je n’ai pas calé non plus sur le dessert: ils sont tous maison (à part les glaces) et la tarte au citron ravira les amateurs. J’ai louché à ma droite dans l’assiette de Dorian: sa côte de veau est servie rosée, parfaite cuisson pour une viande juteuse et savoureuse. Elle faisait envie. J’ai aussi lorgné avec gourmandise à ma gauche une brioche perdue qui fut à la dégustation… comment te dire: une tuerie ambulante! Moelleuse, goût de brioche au beurre et croustillant à l’avenant. La Dénicheuse m’a permis d’y goûter :-)…

Pharamond Brioche perdue
L’excellentissime brioche perdue du Pharamond

Les chagrins argumenteront que la cuisine est datée: en effet, c’est une cuisine tradition, qui ne se prétend pas. Pas de chichi ici, une bonne assiette, des produits de qualité, une cuisson exacte. Un fait maison hors logo intempestif mais à l’authenticité réelle. Un repas de commensaux égayés, qui te fait passer un bon moment, heureux bonheur de bien manger et de rire à la discussion.

Pharamond la déco coquine
Le Pharamond, salon Alexandre

J’y retournerai rapidement avec Jeff, la carte de l’hiver annonce donc ses andouillettes à 400g et le petit salon Plumes attend nos regards enamourés…

Logo du Pharamond

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